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Interview de Mansour Thiam

mardi 13 juillet 2004

Sorti meilleur marqueur de l’INSEP devant Jérôme Moïso en 1997, Mansour Thiam joue deux saisons à Levallois au sein d’un groupe talentueux (Vincent Masingue, Frédéric N’Kembe , Sacha Giffa et Brice Bisseni).

Considéré comme l’un des meilleurs espoirs français au poste de meneur de jeu, il signe à Antibes en 1999. Une blessure aux ligaments croisés du genou met un terme à saison après 16 matchs. Mansour Thiam quitte Antibes en fin de saison et ne rejouera qu’une rencontre en France en 2000-2001 à Beauvais en Pro B.

Il joue depuis maintenant trois saisons à Al Ansar à Médine en Arabie Saoudite.

Comment se déroulent vos journées à Médine ?

Le matin, je fais une séance individuelle de musculation et de shoots. L’après-midi je me rends à la Grande Mosquée de Médine. Je m’entraîne ensuite avec l’équipe tous les soirs pendant deux heures.

A quel niveau situeriez-vous le basket saoudien ?

Chaque club a droit à deux joueurs étrangers, qui sont les seuls à être professionnels. Les joueurs saoudiens ne vivent pas du basket et travaillent en parallèle. Il y a encore deux ans, il n’y avait que quelques équipes qui jouaient avec des pros qui étaient africains pour la plupart. Maintenant les renforts étrangers sont presque tous américains et le niveau augmente de saison en saison. La fédération saoudienne fait beaucoup d’efforts pour promouvoir le basket. Il y a deux matchs par semaine, le jeudi et le vendredi. Une chaîne de télévision libanaise retransmet deux matchs par semaine. La majorité des joueurs qui composent l’équipe nationale est vieillissante. Les deux ou trois meilleurs joueurs saoudiens ont tous plus de 35 ans et on ne se préoccupe pas de la relève.

Y a-t-il un joueur qui vous ait particulièrement impressionné ?

Le meilleur joueur du championnat est sûrement le meneur américain God Shammgod (ex-Washington Wizards). Je n’ai jamais vu un dribbleur comme çà, avec une telle dextérité. Je n’avais jamais défendu sur un joueur avec un tel cross-over.

On imagine que les clubs saoudiens sont riches, sont-ils bien équipés ?

Les clubs saoudiens sont des clubs omnisports et ils disposent de très belles installations avec salle de basket, stade de foot, piscine, terrains de tennis … Ce qui fait défaut est l’encadrement et le manque d’entraîneurs qualifiés. Les clubs font venir des entraîneurs étrangers pour leurs équipes premières et négligent totalement la formation.

Comment s’est déroulé votre saison ?

On a terminé 5ème cette saison, ce qui est logique étant donnés notre budget et les ambitions du club. Al Ansar fait partie des outsiders. On se situe entre les trois ou quatre grosses et riches équipes de tête et le reste.

Et d’un point de vue personnel ?

Je pense avoir fait une assez bonne saison. Il n’y a pas de statistiques ni de suivi médiatique comme en France mais je marquais régulièrement plus de 20 points avec une pointe à 37. On défendait généralement sur moi en homme à homme stricte.

Que comptez-vous faire l’année prochaine ?

Je ne devrais pas continuer la saison prochaine à Al Ansar. Je vais bientôt revenir en France. J’aimerais bien jouer encore à l’étranger pour voyager mais aussi parce que c’est enrichissant.

On vous a un peu perdu de vue en France, à quel niveau vous situez-vous actuellement ?

Je ne peux pas dire à quel niveau je me situe actuellement mais je pense m’être épanoui. Le fait de jouer avec un statut d’étranger apporte une pression supplémentaire et une obligation de performance à chaque match. Quand je regarde mes anciens matchs avec Levallois, j’ai l’impression que je ne jouais pas.

Lorsque vous jouiez à Levallois, vous étiez considéré comme un des joueurs les plus prometteurs à votre poste. Pourtant votre passage à Antibes s’est mal passé, vous n’avez pas confirmé l’étendu de vos talents et vous vous êtes finalement blessé … que s’est-il passé ?

Ce n’est pas facile pour un jeune meneur de débarquer dans une équipe comme Antibes. J’ai eu des hauts et des bas. Je ne considère pas que ce se soit mal passé. J’avais commencé à trouver mon rythme après la trêve et ma blessure a mis un terme à ma saison.

Et puis vous avez cassé votre contrat …

Non, c’est Antibes qui a désiré rompre mon contrat, et non le contraire comme cela a été dit. Tout le monde le sait, c’est l’entraîneur de l’époque qui a appelé mon agent en fin de saison en ce sens.

C’est en arrivant à Antibes que vous avez affiché votre foi, vous vous êtes laissé pousser la barbe et on dit que vous vous seriez mis à l’écart du groupe … n’est ce pas çà qui a poussé le coach à se séparer de vous ?

J’ai toujours été quelqu’un de réservé, qui reste un peu à l’écart, qui fait son entrainement, son match et qui rentre chez lui. J’ai toujours été comme çà, et à Levallois, je ne suis jamais sorti avec mes coéquipiers après les matchs. Cà n’a pas empêché qu’on ait de très bonnes relations les uns avec les autres. Dire que je me suis mis à l’écart du groupe, çà ne peut être que des propos qui viennent d’Antibes. Là-bas, personne ne me connaissait excepté Brice Bisseni (son coéquipiers déjà à Levallois), il a donc été facile pour eux d’établir des relations de cause à effet qui n’ont pas lieu d’être. Que ce soit à l’INSEP, à Levallois ou à Antibes, çà a toujours été pareil.

Après vous être remis de votre blessure, vous n’avez joué qu’un seul match avec Beauvais … Pourquoi avez-vous quitté le club si vite ?

Après mon premier entrainement à Beauvais, j’ai téléphoné à mon agent pour lui dire que je me sentais bien physiquement et que j’avais de très bonnes sensations. Je voulais qu’il voit avec les dirigeants de Beauvais afin de modifier le contrat pour me permettre de quitter le club après ma période d’essai d’une semaine. Je trouvais que les gars de l’équipe n’avaient pas un esprit très combatif alors que le club luttait pour le maintien.
Le lendemain, mon agent me rappelle pour m’annoncer la blessure de Jean-Luc Tissot à Bourg (Pro B) et que l’entraîneur Alain Thinet serait intéressé par ma venue. Pour moi c’était clair, je voulais tenter ma chance à Bourg. Je suis tout de même resté jusqu’à la fin de la semaine pour ne pas faire « la star », celui qui vient s’entrainer un jour puis s’en va le lendemain. J’ai fait une bonne semaine d’entrainement puis j’ai joué le match face à Bondy. Après un an sans match officiel, ma prestation fut très médiocre. Entre temps, Bourg avait signé un joueur pour la dernière ou les deux dernières rencontres avant la trêve. C’est après la trêve que j’ai reçu un appel d’Alain Thinet et je suis parti à Bourg pour deux ou trois jours. Cà c’est très bien passé et le groupe était très sympa. J’aurais vraiment aimé jouer pour cette équipe, mais après le dernier entrainement, Alain Thinet m’a appris que le club avait décidé de signer un Américain naturalisé.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter la France ?

Si j’ai quitté la France, c’est parce qu’avec tout ce qui s’est passé depuis mon départ d’Antibes, il semblait clair qu’avec ma barbe je ne pouvais plus espérer rejoindre aucune équipe professionnelle. Il est ahurissant de s’apercevoir que quand on parlait de moi avant la barbe, c’était pour en dire du bien et on mettait toujours en avant le fait que j’étais pratiquant. Depuis, on essaie d’entretenir un « mystère Mansour », qui se serait fait endoctriner et qui aurait claquer la porte du basket français !

Et pourquoi avoir choisi l’Arabie Saoudite ?

L’Arabie Saoudite a été un choix financier et bien évidemment religieux. Je voulais apprendre l’Arabe et le Coran. Cà m’a également permis de faire le pèlerinage et de passer beaucoup de temps dans les lieux saints de l’Islam.

Un article inquiétant vous concernant est paru dans le Journal du Dimanche le 1er février 2004. On pouvait y lire que vous fréquentiez assidûment l’université wahhabite de Médine …

Je ne fréquente pas assidûment l’université. J’ai pris des cours d’Arabe avec des étudiants français de Médine et j’ai appris le Coran tout seul, de la même façon que j’ai pu le faire en France … On a aussi dit que je m’étais blessé 15 jours après le ramadan. Je me rappelle très bien du jour de la fin du ramadan, c’était un samedi (le 8 janvier 2000), on jouait contre Nancy à Antibes et j’étais parti à la mosquée pour la prière de la fête de la fin du ramadan avec Ismaïla Sy. Je me suis blessé sur le parquet d’Evreux 6 semaines plus tard (le 19 février 2000).

L’article du JDD nous apprend que vous possédez un passeport saoudien et que votre club déclare que c’est une démarche personnelle de votre part …

Je n’ai pas de passeport saoudien et il n’y a aucun joueur nationalisé saoudien en Arabie Saoudite. On ne peut pas obtenir la nationalité par une démarche personnelle, il est extrêmement rare que quelqu’un devienne saoudien.
Quand j’ai montré l’article aux gens de mon club, ils ont tous rigolé. En plus au club, on ne parle que l’Arabe. Je serais bien curieux de savoir qui ce journaliste a appelé et quelle langue il a parlé. De plus les gens du club affirme ne jamais avoir parlé à un journaliste français.

Le nom de votre club, Al Ansar, se retrouve selon l’article dans certains groupes terroristes …

En Arabe, on peut traduire « Ansar » par « allié ». Historiquement les « Ansar » sont les Médinois qui ont accueilli le Prophète et l’ont secouru lorsqu’il était persécuté à La Mecque. C’est un terme qui apparaît plusieurs fois dans le Coran. A Médine, tout s’appelle Ansar : des hôtels, des restaurants, des épiceries, des studios photo … Après que des groupes terroristes s’approprient des noms, on ne peut rien y faire. Il ne faut pas faire d’amalgame.

Avez-vous toujours des contacts avec vos amis Brice Bisseni (Orléans en 2003-04) et Mehdi Labeyrie (Limoges en 2003-04) ?

Je n’ai plus trop de contact avec Mehdi et Brice. J’ai parlé à Mehdi cet été au téléphone mais je n’ai plus parlé à Brice depuis peut être deux ans. Le téléphone international coûte très cher, je ne peux pas appeler tout le monde et j’entretiens mes correspondances par internet.
Je suis bien évidemment le parcours de tous mes anciens coéquipiers et je suis très heureux de voir que la plupart d’entre eux se sont bien imposés. J’ai vécu de grands moments avec Mehdi, et le fait qu’on ait plus trop de contact ne change rien à ce que je pense de lui.
Je suis aussi content pour Jean-Philippe Tailleman (son ancien coéquipier à l’INSEP, tout comme Mehdi Labeyrie) qui a signé à Reims et qui, je suis sûr, va laisser exploser tout son talent en Pro A.