Alors, bien entendu, les raisons pleuvent si l’on écoute Bergeaud : manque de
préparation, joueur blessé, type de jeu inadapté... On en passe et des
meilleurs et on peut parfois y prêter une oreille sensible et compréhensive,
mais où vraiment situer la vérité sinon sur le terrain. Et bien la vérité du
terrain fait mal, très mal. Essayons-nous à une analyse par points de ce qui
sera désormais connu sous le nom de mascarade ; car, véritablement, plus on
avance dans cette enquête de l’échec, plus on s’enfonce dans une morne
obscurité qui à la fois surprend et surtout étouffe.
1) La défense
La défense d’abord a perdu de sa superbe pour n’être plus que la passoire
ayant réussi l’exploit de prendre 35 points dans un dernier quart-temps
crucial, non seulement pour le tournoi, mais pour l’existence-même de
l’équipe dans un futur proche. La débandade est totale. Fort de son (très
relatif) succès aux derniers mondiaux japonais, Bergeaud a voulu monter de
toutes pièces une équipe complète et homogène. L’intention est belle mais
quand elle amène à négliger trois voire plus des meilleurs joueurs français
actuels ; on finit par se demander où est vraiment la logique, ou s’il y a
véritablement logique. L’erreur est d’avoir désarticuler ce qui faisait
notre force, notre défense. Les trois non-appelés les Mickael Gelabale et
Piétrus, et Johan Petro étaient sinon les principales forces dissuasives de
notre défense, tout au moins des composantes essentielles du dispositif de
l’expédition japonaise. Or, en les privant d’une occasion de briller sur la
scène européenne après leurs saisons plus qu’honnêtes dans la meilleure
ligue du monde (retenez vos critiques, nous discuterons plus tard cette
assertion), Bergeaud s’est auto-mutilé. Il a brisé l’équilibre de son
équipe, et quand on l’entend dire durant ces mêmes championnats combien
fragile est cet équilibre, on éprouve encore plus de difficultés à le
comprendre.
2) Les créateurs
Et puis la philosophie de jeu dont Bergeaud se voulait le chantre ; un
véritable échec. Alors, noble évidemment fut sa volonté de sélectionner des
créateurs de jeu, des joueurs qui puissent débloquer les défenses rugueuses
et fermées des joutes européennes. Mais dans les faits, rien ne se passe
comme prévu et ce championnat d’Europe est loin d’être une partie de plus
dans la dimension du Fantasy Basketball. Mais ni Kirksay, ni Diaw, ni
Parker, ni Gomis n’ont su apporter cette créativité offensive qui était
pourtant un point fort du « programme Bergeaud ». La balle n’a jamais
circulé qu’en périphérie pour finir sur une action individuelle à la fin de
l’horloge des 24 (lorsque celle-ci fonctionnait bien sûr, mais cela est
encore un autre problème). Les défenses de zone proposées quasiment en
permanence par les adversaires des Bleus n’ont jamais pu être mises à mal
dans ce contexte. Les systèmes de jeu ont été inexistants du début à la fin
de ce championnat, se résumant pour la plupart à des écrans poste haut pour
un Parker en nette perte de vitesse arrivée la seconde phase, mais cela tout
simplement car il est des plus aisé de contrer une telle gabegie
stratégique. Le recours quasi systématique aux tirs à trois points qui est
pourtant unanimement salué comme *la* faiblesse française à travers les âges
prouve bien l’incapacité chronique d’un staff au bord de la rupture, en
cruel manque de solutions. Et dire que la non-sélection de Gelabale ou de
Mickael Pietrus est passée comme choix du coach pour un système de jeu bien
spécifique... Nos visages commencent à se déformer dangereusement tel celui
de Bergeaud pour l’assidu des antennes de Sport Plus durant ce chemin de
croix espagnol.
3) Un goupe homogène
Un deuxième aspect du *New Deal* version Bergeaud était donc de se doter
d’un groupe homogène voire affable et blagueur. On a pu effectivement se
délecter de la superbe de sourires tels que celui de Parker, de Giffa, de
Kirksay ou Diaw parfois durant les matches où pourtant se déroulait le
triste sort d’une équipe en passe de gagner ses lettres de noblesse dans la
désormais longue histoire des désillusions françaises. Un spectacle
magnifique et une image de marque très bonne pour les enfants à venir du
basket français (à croire que Kinder a vraiment créé des émules) mais le
sourire US des joueurs français fait mal aux dents. Au niveau des joueurs,
l’attitude est donc certainement blâmable, voire impardonnable. On a pu
entendre des « ne vous inquiétez pas », des « on sera au rendez-vous » et
autres banalités dans la pure veine de ces jeunes de la génération *made in
Hollywood*, or ce qu’on a vu, c’est surtout un mauvais épisode des
« Sous-doués en vacances ». La critique est sévère mais à la hauteur de la
déception . Et elle est juste et justifiée même s’il conviendrait de la
tempérer car il revient en toutes dernière mains au staff de mettre son
équipe au diapason. Le très fin George Eddy avait quant à lui saisi toute
l’importance de cette traître déconcentration ; et malheureusement lui comme
nous, ne pouvons faire mieux que pleurer devant nos héros déchus. L’épopée
est devenue comédie dramatique, et plus rien n’y est vraiment amusant. Car
qui maintenant peut exhiber le sourire hollywood sinon celui qui avait
montré une détermination à toute épreuve jusqu’au dernier moment de cette
course à l’Olympe, n’est-ce pas Dirk ?!?
4) La fédération
Et là intervient avec force la dimension américaine de notre jeu. La
dialectique est ancienne en France, entre la tendance à faire jouer leurs
jeux à nos expatriés et celle plausible mais encore à prouver de les faire
jouer à l’ancienne, telle qu’ils ont pu l’apprendre lors de leur formation
française. Bergeaud penchait visiblement pour la seconde option et c’est
tout à son honneur d’avoir voulu défendre cette position. Mais encore une
fois, M. Bergeaud n’est autre que le sélectionneur de l’équipe de France ; et
pas le formateur qu’il a été à Pau. De là à l’erreur professionnelle par
confusion des rôles, il n’y a pas loin. Et ici, c’est le rôle de la
fédération de savoir poser les limites de la fonction, de sentir le
dédoublement de personnalité, de couper court à toute déviation plus ou
moins consciente mais néanmoins coupable. Car bien évidemment, on constate a
posteriori, ces critiques sont faites après coup ; ces accusations après la
tempête. Mais, il ne s’agit plus de rester dans le calme, et le jeu des
répliques qui s’est lancé entre Bergeaud et Mainini doit cesser au profit
d’un véritable débat, un face-à-face final (sans Julien Lepers SVP) où le
sujet doit être le respect du basket français, dans son historicité, pour
ses figures légendaires, pour ses licenciés, pour sa formation, pour ses
fans. Car ce type de défaite risque bien de lasser les moins fidèles d’entre
nous, et surtout bien faire rire dans les chaumières des campagnes
françaises à qui le basketball n’est qu’une enième manifestations de
l’américanisation de nos moeurs. Et soyons honnêtes, le basket est toujours
sur la corde raide en termes de reconnaissance ; les faux-pas n’en seront que
plus rédhibitoires.
5) Triste conclusion
Le basket est minime sur la scène sportive française et semble s’en
contenter et ne pas vouloir sortir de cet anonymat. Le déficit d’image est
certes bien compensé par les éclats (justement) de nos expatriés américains,
mais l’équipe de France, cette cristallisation des talents français, la
représentation idéelle de la nation sportive doit précisément se mettre au
niveau de ses représentants individuels. Le maillot national est le seul qui
ne changera pas pour tout joueur de calibre international, et l’opération
consiste à ce qu’à la fois le joueur en soit digne, mais aussi que le
maillot soit à la dimension du joueur. Parker mérite mieux qu’une huitième
place européenne, alors certes il est loin d’être sans reproche ; mais
surtout il faut que les structures de l’équipe de France lui permette
d’exprimer ses talents et de reproduire la situation de réussite qui est la
sienne en NBA. Pourquoi ne pourrait-il pas dominer en Europe comme il le
fait en NBA ? La différence de contexte de jeu, avec notamment les défenses
de zone qu’il ne sait pas (encore) appréhender, l’absence d’un Tim Duncan
français également lui feront défaut mais comment ne pas croire que lui et
sa génération de 82 et les autres qui ne déparent le moins du monde ne
puissent pas jouer ensemble, dans un jeu de passes fluide et rapide, avec
une défense comme socle de l’identité française et des contre-attaques
mettant en valeur nos fabuleux athlètes. Tel le nouveau jeu des hommes de
Coach K cet été, non ? La dernière version de la Dream Team semble bien avoir
vu le jour dans la chaleur estivale de Vegas, avec des écarts maousses
costauds et des appétits défensifs gargantuesques. Mais surtout après les
énormes déconvenues, événement nationaux des défaites aux dernières
olympiades puis aux derniers mondiaux. Et si nous sommes vraiment le Team
USA de l’Europe, il faut donc à notre tour effectuer cet effort
d’introspection, de remise en cause profonde, de moment critique extrême de
la part de nos dirigeants, sous peine de renouveler la tristesse à
répétition.
Ces quelques pensées à bru le pourpoint n’ont d’autres visées que d’avancer
dans cette direction intérieure. Car le talent basket en France est énorme,
mais qu’en faisons-nous ? Les Etats-Unis d’Europe.... pas sûr...