D’un côté il est clair qu’il est difficile de dire non à la vision qui veut plus de français jouant en Pro A. Tout comme il est difficile d’y croire vraiment tant les clubs français sont les parents pauvres du basket européen. Et donc ils ne peuvent que pencher vers les recrutements malins de jeunes US, ou bosman encore à prix raisonnables. Cependant, quand l’on voit le succès de Roanne qui comptait quand même une majorité de français dans ses rangs (bien que n’étant pas les joueurs stars), on peut se dire que c’est encore faisable...
Et de l’autre côté, ce n’est pas si simple de dire que c’est du protectionnisme, parce qu’avoir des joueurs français c’est aussi important pour le rapport au public, les relations aux media même, l’image du club. Il faut pouvoir créer des identités de clubs comme avait pu l’être l’équipe choletaise à l’époque Akpomedah, Marquis, Ferchaud, Bardet, Gautier... et les résultats prouvaient que ça marchait aussi.
- Nicolas Batum
Pour les coupes d’Europe, c’est clair que le niveau de l’eau va sûrement étouffer un peu Le Mans par exemple qui a essayé un pari jeunesse qui suit précisément la logique que le club poursuit depuis un certain temps avec la génération Koffi, Bokolo, Amagou et maintenant Batum, Diot. Mais après tout, qui ne tente rien n’a rien. Et puis leur succès premier en championnat de France avait prouvé que cela encore pouvait marcher.
Bref on peut dire ce que l’on veut des formations à la française qui évoluent en Pro A, elles peuvent rencontrer un certain succès. Le tout est de pouvoir maintenir le cap, de tenir la distance comme ce pouvait être le cas à l’époque du grand Pau des Pietrus bro’, Bobo Diaw et Drozdov (qui remportaient les titres avec jeunesse et régularité. Mais encore une fois, leur casting avait également fière allure. Alors les Gadou(s), Fauthoux, Foirest, des gars bien de chez nous qui depuis toujours faisaient la fierté des fans béarnais ne sont plus monnaie courante et les joueurs de cette trempe préfèrent convoler vers des cieux plus rémunérateurs tels les espagnols ou les italiens. Certes le contexte a évolué et est devenu de plus en plus compétitif et les possibilités de marché de plus en plus minces mais si le pragmatisme nous force à conclure que la Ligue a pu prendre une décision logique, il ne faut surtout pas applaudir cette mesure qui restreint considérablement les possibilités d’évolution des jeunes pousses françaises sur leur propre terrain de jeu.
Car si la Pro A répond à des obligations économiques assez intransigeantes, cela est loin d’être le cas dans son antichambre. Or le même processus s’y déroule à grands coups de recrutement étranger au dépends des petits français. Un exemple concret est le Poitiers Basket 86 qui s’est installé en Pro B autour de son groupe de jeunes du crû et qui tout doucement depuis un an bascule dans le système et se retrouve désormais avec des joueurs américains et s’oblige à renvoyer lesdits jeunots à leurs études sous peine de devoir batailler pour le maintien. Au lieu d’en faire une pépinière de jeunes talents en pleine éclosion, la Ligue a fait de la Pro B un énième exemplaire du marché où mercenaires trentenaires et Bosman en perte de vitesse peuvent retrouver un temps de jeu et un contrat plus aguichants.
A l’heure où les équipes françaises de jeunes ne cessent de briller sur la scène internationale, on peut légitimement se demander ce que la Ligue a bien à gagner à ne pas lancer plus souvent les teenagers de l’hexagone... Tout est question de volonté. Rien n’est moins sûr. Il faut vouloir, certes, lancer cette politique de formation à la française mais surtout il faut pouvoir la mener jusqu’à son terme en donnant du temps de jeu, en responsabilisant les jeunes joueurs. Or les raisons systémiques du blocage entraînent inévitablement des raisons d’ordre individuel.
Car de manière évidente et à travers l’énumération non exhaustive des exemples ici présentés, ce n’est pas la volonté de faire jouer les jeunes français qui manque. Pouvoir le faire en toute sérénité et sans risque de se retrouver à pointer à l’ANPE pour l’entraîneur plus malin que les autres, là, rien n’est moins sûr.
Les Français parlent aux Français disait le Général. Le basket français se tire une balle dans le pied. Tué dans l’œuf. Et pas de kinder*, bitte !!
*kinder en Allemand bien sûr : enfants