Depuis 16 ans, Yvan Mainini est à la tête du basket Français. Son arrivée à la tête de la FFBB en 1992 a très vite été porteuse d’espoir pour une fédération qui se cherchait, malgré des techniciens et des élus se démenant à l’époque pour dynamiser les choses. L’entrée en matière du président, sa vision du basket comme « sport de l’an 2000 », et ses 800 000 licenciés, apparaît aujourd’hui au public comme un échec. A tort, à raison ? Cependant, à ce moment là, les indicateurs d’un nouvel essor étaient forts : la génération "playground, Dream Team et NBA" était née. Seulement, là où le basket Français s’est planté, si l’on peut dire, c’est qu’à l’époque les clubs, les éducateurs, n’étaient pas forcément prêts à accueillir tout ce beau monde...
En cette même année 1992, une génération de joueurs, exceptionnelle, va réaliser ce qui apparaît alors comme un véritable exploit : les Sciarra, Bonato, Risacher, Mallor, Foirest, coachés par Jean-Pierre De Vincenzi accèdent à la première marche du podium Européen. Champions d’Europe Junior. Une première. L’aventure d’une bande de potes, 10 ans ou presque avant l’aventure des boys de Pierre Vincent à Zadar. Pour Yvan Mainini et JPDV, l’histoire est en marche. Le basket Français doit se (re)construire sur cette génération 72/73.
1996, Yvan Mainini est réélu. JPDV, un an auparavant, a remplacé Michel Gomez à la tête des Bleus. Dans la foulée, Y. Mainini proposera, comme le prévoit la procédure de nomination des DTN -qui sont, rappelons le, des cadres techniques d’état-, Jean-Pierre De Vincenzi comme « patron technique » du basket Français. Une refonte totale des filières de formation du joueur est alors entreprise. La formation des cadres, puis celle des arbitres, suivront.
La suite de l’histoire, plus récente, nous la connaissons tous ou presque : médaille d’argent Olympique à Sydney, pour nos juniors de 1992. Le toit du monde ou presque. YM et JPDV rempilent pour un mandat sur fond de frustration, car on comprend mal la non-exploitation médiatique de la médaille. D’obscurs conflits, dont personne d’autre que les intéressés ne connaissent vraiment le fond, noircissent un tableau qui méritait peut-être mieux. S’enchaînent le titre Européen des filles en 2001, quelques titres en jeunes, le rendez-vous manqué d’Athènes, le bronze à l’Euro 05, la 5e place du mondial, puis l’Espagne, comme si le sort s’acharnait. La France ne va pas à Pékin, la campagne de qualification Européenne tourne au cauchemar, comme une ritournelle, comme si le sort semblait s’acharner.
On s’interroge maintenant : le pouvoir n’a-t-il pas usé les hommes ? La remise en question existe-t-elle ? Nul ne le sait vraiment. Et nous nous adonnons, spectateurs et acteurs mal renseignés que nous sommes, comme tout bon supporteur, comme tout amoureux d’un sport, à ce management de comptoir que l’on critique pourtant venant de nos voisins footeux. "Le rugby nous a bouffé" entendrait-on ici et là, "le hand nous passe devant", etc. Il faut des responsables, et comme souvent, on se retourne légitimement vers les chefs, vers les décideurs du basket Français. Et ces derniers ont malgré tout un bilan à défendre avec, qu’on le veuille ou pas, quelques lignes positives.
L’histoire récente de notre basket est faite de succès et de rendez-vous manqués, le plus souvent sur des détails. La récente campagne de qualifications en est l’exemple. On repense à l’Euro 03 et Athènes qui s’envole sur une possession. On repense à l’Euro 99. Si un seul de ces évènements sportifs avait été couronné de succès, en serions-nous là aujourd’hui ? Impossible à dire, malheureusement. Sur le bilan plus global, il paraît important de scinder et de partager clairement les responsabilités : la FFBB d’un côté, et la DTN de l’autre. Les deux entités travaillent main dans la main, mais ont des prérogatives et des objectifs différents. Le seul point commun étant la promotion du basket-ball. Alors, bien sûr, le « couple » président-DTN est source d’amalgames aux yeux du grand public. A tort sans doute.
Ici et là, dans la presse, sur les forums, on lit des « JPDV, démission », des « Mainini, dehors », avec comme toute justification l’état de délabrement dans lequel est supposé être le basket Français. Certes, les 800 000 licenciés ne sont pas là. Effectivement, deux Olympiades sans la France, c’est beaucoup, pour ne pas dire impensable. Mais demander ainsi du changement, si légitime que cela puisse être, justifie-t-il de jeter aux orties des avancées et succès significatifs, en parlant de bilan catastrophique ? On voit, aujourd’hui, dans le monde, ce qu’apporte la « rupture », et le fonctionnement binaire : de l’incohérence, et finalement, on fait du neuf avec du vieux. Changer, oui, mais comment ? Pour quoi faire ? Personne ne peut répondre à cette question concernant notre fédération avec certitude. Le changement pour le changement n’a jamais rien apporté.
Et nous voilà au cœur du problème. Il y a quelques jours de cela, un simple bruit de couloir ministériel, relayé par Le Parisien, annonce que le Secrétaire D’Etat aux sports souhaite « déplacer » plusieurs DTN, en place à son goût depuis trop longtemps, avec JPDV en tête de file. Dans la foulée, et dans le même communiqué, on annonce également un souhait de vouloir limiter les renouvellements de mandats électifs des présidents de fédération sportive. Si plusieurs sports sont visés, le basket est, curieusement, le sport mis en avant et cité comme "exemple" de cible. La nouvelle passe inaperçue sur le coup, et est finalement assez vite relayée par la presse sportive, et pas seulement.
Hasard ? Coïncidence ? On peine à le croire. Après avoir entendu différents avis autorisés sur la question, une impression de flou se dégage de cet effet d’annonce. S’agit-il d’une vraie intention, louable et gratuite, ou avant tout d’un coup de pouce politique, visant à affaiblir les gens en place au sein de la FFBB en cette période pré-électorale ? On peut se le demander, surtout qu’au même moment, des bruits concernant une candidature à la présidence de Frédéric Jugnet, actuel secrétaire général de la FFBB, se font entendre. L’actuel et actif secrétaire fédéral, originaire de Sablé sur Sarthe et ami personnel de François Fillon, était au départ une des personnes pressenties pour le poste actuellement occupé par M. Laporte. Il deviendra finalement « délégué interministériel adjoint aux grands évènements sportifs », à la demande du Premier Ministre. Un cadeau comme un autre, entre amis de longue date, et en attendant mieux ?
Une telle manœuvre du Secrétariat D’État à l’encontre du DTN actuel aurait comme effet immédiat de fragiliser une partie de l’appui d’Y. Mainini et de ses partisans. De là à dire que cet élément pourrait être favorable à F. Jugnet, libre à chacun de le penser. Les tendances politiques et les affinités font naturellement d’un proche du gouvernement un candidat intéressant, au regard des pouvoirs publics. Quand on sait en plus que du côté de la LNB, en conflit avec la FFBB depuis des années sur les droits télé notamment, l’UMP est assez bien représentée -René Le Goff est un ancien élu de la formation politique, certains représentants de clubs pros comme D. Juillot occupent un siège parlementaire sous cette même étiquette-. On peut en déduire, de ce fait, que la présidence de la ligue verrait également d’un bon œil l’arrivée d’un proche du courant politique à la tête des instances fédérales.
Autre point, revenons-y : la limitation envisagée du renouvellement de mandat pour un président de fédération. Cette idée va à l’encontre même de l’esprit de la loi de 1901, du fonctionnement du mouvement sportif, et de fait s’oppose à toute notion de fonctionnement démocratique, ce qui en plus d’être grave est inquiétant. En limitant ainsi les échéances, on empêche purement et simplement une partie des citoyens de choisir leurs dirigeants. Quid du droit à l’autodétermination ? L’État fait-il si peu confiance à ses administrés ? Les sportifs et pratiquants Français ne sont-ils pas capables de déterminer eux-mêmes si un élu et son équipe méritent leur confiance ? Qu’il est triste de constater que cette proposition ne choque personne ! Les élus de la République ne sont pas limités dans leur fonctions, autrement plus délicates en terme d’influence. N’y a-t-il là pas une certaine incohérence ?
Rarement, avant aujourd’hui, ne nous était venu à l’esprit qu’une fédération sportive, pouvait devenir le théâtre d’un supposé vaudeville politique. Ou un champ d’expérimentation, selon les points de vue. Nommer les présidents de fédération par décret gouvernemental serait tellement plus simple, dans ce cas, pour aller au bout des choses !
Pour aller plus loin, d’autres candidatures à la présidence de la FFBB se sont déclarées également ces derniers jours.
La plus curieuse de toutes reste celle de monsieur Dusseaulx. Auteur d’un court pamphlet envoyé aux clubs, ligues et comités, cet ancien journaliste tire à boulets rouges sur tout ce qui bouge. Secouer le cocotier, c’est bien. Par contre, en terme de crédibilité, ça reste pour le moins instable : Comment peut-on se permettre de critiquer, piétiner un système auquel on a participé, et en tant que salarié, qui plus est ?! Une fois de plus, un « ancien » du système propose du neuf. Une rupture, en allégeant les contraintes pesant sur les ligues et comités, par exemple. Libéralisation du système, et remise en cause de la déconcentration des institutions ? La tirade sur l’intérêt d’avoir un entraîneur de l’Equipe de France masculine payé très cher pendant 12 mois pour un travail de 2 mois illustre par contre le manque relatif de compréhension qu’a cet homme des exigences du très haut-niveau. Enfin, quand on sait que cet ex-journaliste, très professionnel au demeurant, a été en poste au service médias FFBB, on se demande bien pourquoi il n’a pas essayé de changer les choses, à son niveau, quand il était en poste.
Autre candidat actuellement déclaré, Bernard Depierre, ex-membre du bureau directeur de la FFBB et de la LNB, actuellement député UMP de la Côte D’Or. Président de la ligue de Bourgogne, il présente un profil plus crédible au premier abord. Cependant, si certains points qu’il soulève dans son annonce sont essentiels à aborder, on sait d’avance par exemple que sauf retour sur le décret Lamour, la question des infrastructures restera lettre morte.
Dossiers de candidature à suivre.
Par soucis de transparence, ne serait-il pas intéressant pour tout le monde, d’ailleurs, que ces nouveaux candidats, attaquant l’équipe actuelle, proposent d’ores et déjà un possible nom de DTN en cas de succès dans leurs campagnes respectives ? En revendiquant ce besoin de changement, ce serait déjà avancer dans ce sens.
Ne nous méprenons pas : le débat démocratique ne peut exister que par le biais de ces candidatures, quel que soit leur degré de crédibilité. Notre volonté, en tant qu’observateurs, est que le basket avance. Purement et simplement. Mais si il doit avancer, faisons en sorte que ce soit en toute indépendance. Qu’il y ait du changement à la FFBB, et si les votes vont dans ce sens, soit. Mais si c’est changer pour changer, sans cohérence, quel intérêt ? Si en plus ce changement signifie finalement que la FFBB doit devenir le jouet de nos gouvernants actuels, ou du moins un « petit cadeau » entre vieux amis de longue date, c’est plus que consternant.