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Du transatlantisme, ou du temps où l’on avait notre identité pour nous

lundi 8 octobre 2007, par Emmanuel Laurin

Il fut un temps, où l’on pouvait lire au dos de magazines de presse spécialisée, une publicité représentant le cuir d’une balle orange, où la bande noire du ballon portait la note « l’écart se réduit »... C’était des suites de l’aventure australienne de nos français médaillés d’argent pour l’occasion d’une belle défaite contre les Etats-Unis des Carter, Garnett, Payton et *Cie*.

Le basket français manifeste par les temps qui courent sa fâcheuse tendance à opposer le basket américain (NBA) et le basket européen (FIBA). Pourquoi tant de haine, serait-on tenté de dire ? (Hein, TP ? Il t’a rien fait Georges... à part son boulot.)

En effet, le basket NBA est-il si mauvais ? Certes, le passage des *Dream Team* d’antan au *Team USA* actuel n’est pas sans trahir une perte de vitesse importante. Mais ne faut-il pas voir dans le dernier tournoi des
Amériques, l’avènement d’une nouvelle *Dream Team*, le renouveau d’un jeu à l’américaine qui gagne (et plus explose, tant les adversaires que les arceaux !!).

De plus, les joueurs NBA de notre équipe française ne nous ont-t-ils pas permis de remporter cette belle cinquième place aux mondiaux japonais ? Et le choix « bergealien » de revenir à un jeu plus conforme FIBA, je cite (reportage *BasketNews*, DVD n°3) : « Ce sont les joueurs NBA qui doivent s’adapter aux joueurs FIBA, et pas l’inverse. » épisode qui se termine en eau de boudin ; une débâcle totale qui n’est pas sans conséquence sur le paysage français dans son entier.

L’Europe était pour Paul Valéry un cap, c’est-à-dire la pointe, le finistère d’un territoire s’ouvrant sur l’immensité océanique de l’Atlantique.
L’Europe du basket a de fait longtemps été le berceau de grands joueurs, de grandes compétitions, d’une culture basket qui se développaient en autarcie et pouvaient à l’occasion (Petrovic le virtuose ; la montagne Sabonis)
traverser cette immensité effrayante, ce mur sans fond, pour accéder à ce monde parallèle de la NBA ; cette grande inconnue. Et puis, tout d’un coup, patatras ! On a coupé la lumière. L’Europe de la balle rebondissante a été
éclipsée ; et le terme n’est pas trop fort. Le mur de l’Atlantique, version barbelé. Demandez aux Dacoury, Sonko, Rigaudeau et autres Moïso.

Depuis, les murs sont devenus passerelles (le NBA Europe Live, le Mc Donald Championship autrefois : remember MJ en béret contre Risack et le PSG Racing !), et le monstre américain un modèle de ligue professionnelle avec
force marketing et médiatisation. La tendance a été inversée en l’espace d’une dizaine d’années, faisant passer le monde du basket européen d’un navire bien amarré à celui du radeau de la méduse et à celui, maintenant,
d’insubmersible et encore plus de concurrent direct de l’USS Alabama...

Bref, les relations transatlantiques du basket n’ont jamais été vraiment stabilisées. Mais le rapport de force est désormais plus que favorable à l’Europe qui est maintenant plus que jamais en mesure de dialoguer, voire de
faire jeu égal avec la ligue de David Stern et consorts. Les joueurs ne rechignent plus à venir évoluer en Europe et au contraire même, l’Euroleague constitue de plus en plus un atout recrutement pour les clubs y participant.
Les retours de stars mondiales telles que Jasikevicius, Spanoulis, et ceux évoqués des Mickael Piétrus, Varejao ou Pavlovic pour ne citer qu’eux viennent attester cette nouvelle dynamique du basket mondial. Le projet de
ligue mondiale hante même tous les esprits des dirigeants des grands clubs européens (Anthony Thiodet en parlait encore hier aux micros de Sport Plus) et ceux qui seront laissés de côté s’en mordront les doigts pour longtemps.
Les volontés doivent désormais tendre vers cet effort de syncrétisme, de fusion des forces vives comme celui qu’est l’entreprise du nouveau Paris Levallois. Son chef de file Antoine Rigaudeau, du haut de son expérience du très haut niveau européen, a bien saisi toute l’importance, cruciale, de se doter de structures de niveau européen (et par suite mondial) pour espérer exister. Et survivre dans ce contexte de concurrence aplanie sur toute la planète orange.

Le basket français contre ses vieux démons anti-ambitions en somme... Je ne peux, encore une fois, ne pas signaler le cas de l’équipe nationale dont l’équipe dirigeante avait pris l’étrange décision de suivre une logique sportive visant à favoriser très explicitement les joueurs du crû, en quelque sorte, ceux évoluant sur les terrains du Vieux Continent ; et ce, en dépit d’affirmations assez nettes de la part de Claude Bergeaud de, je cite (même DVD, excellente source) « sélectionner les joueurs en forme ». Quid de Mickael Piétrus, pour n’évoquer que lui, qui finit sa saison en boulet de canon dans la Baie d’Oakland en éteignant rien de moins que le MVP Nowitzki.
(!)

Cela nous menant bien évidemment au coeur du problème, qui est de savoir si vraiment les joueurs NBA de notre beau pays sont si NBA que cela. Bergeaud a considéré le jeu *made in NBA* impropre à la compétition espagnole du mois dernier en prétextant que le jeu outre-atlantique était un jeu de « première intention ». Cette décision somme toute logique ne nous a cependant pas amené à un jeu offensif fait de passes et de systèmes rondement menés mais bien plutôt vers des systématiques pénétrations de dernière minute du héros TP. Mais pour *All-Star* qu’il soit, le meneur français n’a pas pu créer de miracles. Et là encore semble poindre cette sensation déagréable de double-jeu, puisque l’on refuse le jeu à l’américaine dans le choix de sélection, mais que trouve-t-on sur le terrain ? Un jeu plus que stéréotypé *made in NBA*, et ce sans le casting complet...

Et là comble. Bergeaud de dire sans sourciller (même source, même sanction), et à propos de la défense sur les poisons slovènes (clin d’oeil tragique du destin) Lakovic et Beno Udrih : « Il vaut mieux savoir faire ce que l’on a décidé [c’est-à-dire défense sur *pick and roll*] que de vouloir pallier à tout. ». Le discours se veut clair et concis. Le résultat est cependant à l’opposé.

On a voulu une hiérarchie dans la sélection, on a voulu des créateurs en attaque, on a voulu un jeu de passes rapide et efficace. Qu’a-t-on vu ? Tony Parker jouant son jeu NBA contre des défenses bien de chez nous. Vous avez
dit décalage ?

Ce doit être le jet lag ! Bonjour le mal de mer...