Contrairement aux Etats-Unis où le spectacle sportif a très vite été cadré, en Europe il s’est développé en toute autonomie.
Tout à tour perçu comme un simple moyen d’éducation physique (à savoir que le basket français était à l’origine rattaché à la Fédération Française d’Athlétisme), puis pour les sports télévisés comme un abrutissement de masses ; avec le véritable essor des médias, il est désormais un produit télévisuel associé à une valeur marchande fluctuante suivant le sport.
Pour ces raisons il est bien difficile de déterminer un modèle sportif européen unique, même si nous verrons des constantes.
Plus spécifiquement le basket européen sous la tutelle de la FIBA, s’est véritablement développé dans les années 80 avec l’officialisation du professionnalisme ; c’est aussi l’époque où apparaît l’ULEB (Union des Ligues Européennes de Basket) à l’origine composée de 3 ligues (Espagne, Italie et France), elle s’est agrandie avec le temps, ligues grecque et portugaise en 1996 ; Royaume-Uni, Belgique et Suisse en 1999 ; Allemagne, Pays-Bas et Pologne en 2001 ; Lituanie, République Tchèque, Israël et ligue adriatique entre 2002 et 2005.
Fédération de ligues avec toute la diversité de ses composantes.
Souhaitant concurrencer le poids de plus en plus important de la NBA cela ne s’est pas fait (et ne se fait pas) sans poser d’énormes problèmes d’harmonisation en raison des immenses disparités économiques et financières.
L’inévitable arriva en 2000, scission avec la FIBA, sous couvert d’un grand groupe de télécommunication (Téléfonica), les plus riches clubs européens s’entendaient pour prendre le contrôle de la manne financière (les droits TV) considérant que la FIBA organisme sportif jusque là seul possesseur du monopole (tant dans la négociation que dans la redistribution), ne répartissait pas de façon équitable et surtout à hauteur de ce qui faisait l’intérêt de la compétition : leurs présences.
De l’absence d’organisation formelle avant les années 80, le basket européen est passé à une organisation mais inégalitaire, dans laquelle priment lois de la concurrence et libre circulation où les plus forts font la loi.
Il n’en reste pas moins que sportivement le basket européen continue à fonctionner selon la même philosophie.
B-1 : Les principes communs :
La qualification sportive structure la compétition entre les clubs de façon pyramidale et emboîtée (du niveau local à l’international) reliée par un mécanisme de promotion/relégation ; chaque équipe est liée à un territoire (ville, pays) avec comme objectif la maximisation des victoires sportives sous la contrainte d’un budget.
B-2 : Les différences :
A l’échelle européenne comme au niveau national, il n’y a pas de mécanismes correcteurs assurant l’équilibre de la compétition.
Il en résulte de grandes disparités au premier rang desquels la fiscalité, ainsi si elle est de 48% en Espagne, elle monte à 77% en France.
En second lieu la présence ou l’absence d’instances de contrôles de gestion ; ainsi si certains clubs peuvent être amenés à perdre le bénéfice sportif dans le cas du non respect budgétaire, d’autres peuvent accumuler les déficits pour accroître leurs gains sportifs
B-3 : Le gros problème, l’absence d’une régulation efficace.
Par rapport au modèle américain la différence fondamentale réside dans l’absence de régulation par la stabilité et des mécanismes correcteurs.
Le modèle européen relié et ouvert rendrait les mécanismes propres au modèle US inefficaces.
Ainsi un Salary Cap handicaperait les pays qui y seraient soumis vis-à-vis des autres, même si à l’échelle d’un pays cela permettrait d’homogénéiser les valeurs.
Son efficience ne pourrait s’avérer qu’à l’échelle européenne et à la condition d’une homogénéité fiscale.
Pourtant certains suggèrent une série d’aménagements, comme instaurer divers montants de plafonnement suivant la pression fiscale, ou créer une taxe versée par les clubs participant aux coupes d’Europe pour la redistribuer à ceux qui n’y participent pas.
Il en est de même pour la répartition optimale des droits TV, qui si elle peut l’être au niveau national, ne le sera pas forcément au niveau continental, ordres de grandeurs obligent.
Même chose encore pour un système de Draft « européen » puisque si aux Etats-Unis la formation est externe, en Europe la formation recoupe une obligation ; la mettre en œuvre reviendrait à scinder en deux : des clubs formateurs pillés par des clubs fortunés.
Resterait le cadre restrictif du joueur choisi par le club (comme le prévoit le système de Draft US), il reste en contradiction avec le droit européen d’autant plus depuis l’arrêt Bosman.
Philosophiquement donc la primauté est accordée à la maximisation des victoires sportives mais compte tenu de son caractère aléatoire et de facto de la sanction sportive qui en découle, les clubs ont tendances a adopter une attitude individualiste, considérant que leur prestige, leur palmarès et les sommes investies justifiaient la participation assurée aux compétitions européennes.
Pour ceux-ci l’enjeu recoupe le contrôle des revenus inhérents à celles-ci et surtout une redistribution à hauteur des investissements consentis. (Cf à l’opposition ouverte en 2001 entre les « gros » clubs et la FIBA d’où deux compétitions la Suproligue et l’Euroleague).
Or l’objectif de l’ULEB devrait être de préserver l’incertitude de la compétition, en réduisant les tensions opportunistes, le souci étant qu’en Europe la non coopération constituant la règle, il n’y ni mécanismes de régulations, ni homogénéité entre ligues.
B-4 : Perspectives :
En fait, tout réside dans la capacité et surtout la volonté des instances sportives, à démontrer aux juges de la concurrence que le maintien de l’équilibre de la compétition nécessite la mise en place de mesures restrictives sur les marchés du travail et des spectacles sportifs.
Au contraire, les dites instances ne prenant pas en compte la dualisation économique (marché du travail et spectacle sportif), par leur inaction ne font qu’aggraver les disparités.
Ainsi donc différences de structures, d’organisation, de contrainte mais aussi de finalité entre NBA et Europe conduisent à des mécanismes efficaces pour l’un et nocifs pour l’autre.
Pour remédier à ce déséquilibre, certains préconisent la constitution d’une Euroleague fermée, permettant aux clubs n’y participant pas de ne pas souffrir de la comparaison avec les clubs qui y sont engagés et en retirent des revenus substenciels.
Quoi que l’idée puisse paraître séduisante de prime abord, elle poserait un certain nombre de problèmes, peut être même pire que le mal lui-même :
En premier lieu cela engendrerait inévitablement une fragilisation de la formation, accentuant plus encore le clivage entre des « clubs formateurs » et des « clubs acheteurs » de talents.
En second lieu, il est très probable que les clubs européens libèreraient moins facilement leurs joueurs pour les équipes nationales (comme cela se voit déjà pour les joueurs européens de NBA).
Enfin cela romprait avec la structure pyramidale spécifique au modèle européen, entre le secteur professionnel et le secteur amateur notamment.
B-5 : Autre alternatives ?
Le point névralgique repose indéniablement sur les disparités économiques favorisées par le système ultra-libéral induit par la libéralisation des lois du marché et la libre circulation, danger que les instances sportives mollement tentent de juguler en revendiquant une « exception sportive » aux lois de la concurrence auprès des instances européennes.
En théorie le traité de l’union européenne permet la mise en place de moyens de régulations, y compris anticoncurrentiels s’ils participent au progrès économique des championnats et ont pour finalité une meilleure répartition des revenus ; actuellement il est peut être envisageable une voie alternative d’exemptions partielles.
Mais au-delà la question reste entière, d’instances véritablement désireuses de reprendre la main et de ne plus subir le diktat du rapport de forces.
En résumé, il est apparent que du point de vue économique, le modèle nord américain est efficace mais dénature complètement le sport en le renvoyant au simple « moyen » pour maximiser le profit alors qu’à contrario le modèle européen met en péril l’équilibre de la compétition comme la cohérence économique des championnats en ne sachant pas apporter de réponses satisfaisantes aux impérieuses nécessités de régulation.